Page:London - Belliou la fumée, trad. Postif, 1941.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
BELLIOU-LA-FUMÉE

— La Fumée, je dois prendre soin de ton salut. Tu es en passe de devenir toqué. Je t’entraînerais dans une ruée à Jéricho ou au pôle Nord pour t’arracher de cette maudite table.

— C’est très bien cela, mon vieux. Mais il ne faut pas oublier que j’ai atteint l’âge de raison et que je suis de taille à manger de la viande. Tout ce que tu auras à traîner, c’est la poudre d’or que je vais gagner avec mon système ; c’est toi qui la rapporteras à la maison, et tu seras probablement obligé de te servir d’un traîneau à chiens. »

Le Courtaud ne répondit que par un gémissement.

« Et je ne voudrais pas que tu te plonges dans le jeu de ton côté, poursuivit la Fumée. Nous partagerons les gains, mais j’ai besoin de tout l’argent pour lancer mon système. Il est encore jeune, et pourrait bien m’occasionner quelques faux pas avant d’être mis au point. »

III

Enfin, après avoir passé de longues heures chaque jour à observer la table de jeu, la Fumée, un beau soir, annonça qu’il était prêt, et le Courtaud, morose et pessimiste comme s’il allait à un enterrement, accompagna son ami à la Corne d’Élan.

La Fumée se procura une pile de jetons et prit place au bout de la table où trônait le croupier. À maintes reprises la balle fut lancée et les autres joueurs gagnèrent ou perdirent, sans que la Fumée risquât un jeton. Le Courtaud s’impatientait.