Page:London - Belliou la fumée, trad. Postif, 1941.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
BELLIOU-LA-FUMÉE

sûr, depuis la première chiquenaude de Jéhovah jusqu’au Jugement dernier.

— Ne t’en fais pas, le Courtaud. J’aurai fini ma tournée et serai de retour à Dawson dans six semaines. La piste du Yukon est foulée, et les cent cinquante premiers kilomètres le long de la Stewart doivent l’être aussi. Des vieux d’Henderson m’ont dit que plusieurs équipes l’ont remontée à l’automne dernier, après le gel. Si je trouve leur piste, je devrai abattre mes soixante-cinq à quatre-vingts kilomètres par jour. Il se peut que je mette moins d’un mois à revenir, une fois que j’aurai traversé.

— Oui. Mais c’est justement la traversée qui m’inquiète. Enfin, au revoir, la Fumée ! Ouvre bien l’œil pour ce pays de malheur, voilà tout. Et ne mets pas de fausse honte à revenir bredouille. »

II

Une semaine après, la Fumée se trouvait dans le fouillis montagneux au Sud de la rivière Indienne, sur la ligne de partage du Klondike, et il avait abandonné son traîneau et réparti le paquetage entre ses chiens-loups. Chacun des six molosses était chargé de cinquante livres, et lui-même portait sur le dos un fardeau égal. Il traçait la voie dans la neige molle, qu’il foulait de ses raquettes, et derrière lui ses chiens haletaient.

Il chérissait ce genre de vie, ce désert silencieux dans le profond hiver boréal, cette surface infinie de neige, vierge de tout vestige humain. Autour de lui