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Page:London - Belliou la fumée, trad. Postif, 1941.djvu/146

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BELLIOU-LA-FUMÉE

C’est alors que survint l’inattendu, l’aventure qui le guettait à un détour de la rivière. Il lui sembla entendre et sentir simultanément. Le coup de fusil venait de la droite, et la balle, perçant obliquement les épaules de sa parka et de son paletot de laine, le fit pivoter à demi sous la force du choc. Il chancelle sur ses raquettes avant de reprendre son équilibre, et perçoit un second coup de fusil, qui le manque complètement. Sans tarder, il plonge dans la neige pour gagner, à une centaine de pieds, l’abri des arbres de la rive. D’autres détonations se succèdent, et il éprouve la sensation désagréable d’un filet humide et tiède lui coulant dans le dos.

Il escalade le talus, les chiens pataugeant derrière lui, et se dissimule parmi les arbres et les broussailles. Quittant vivement ses raquettes, il se couche de tout son long et observe le terrain avec précaution. Il ne voit rien. Le tireur se tient évidemment à l’affût entre les arbres de la rive opposée.

« S’il n’arrive pas quelque chose avant peu, murmura-t-il au bout d’une demi-heure, il faudra que je m’esquive pour faire du feu, sous peine d’avoir les pieds gelés. Gueule-Jaune, que ferais-tu à ma place, couché dans la neige avec la circulation qui se ralentit et un bonhomme qui essaie de vous trouer la peau ? »

Il recula de quelques pas, tassa la neige, se mit à danser une gigue qui lui ramena le sang aux pieds, et réussit à endurer la situation pendant une demi-heure encore. Puis il entendit nettement un bruit de grelots venant de l’aval. Il regarda entre les arbres et aperçut un traîneau qui tournait le coude de la rivière. Un seul homme le conduisait, pesant sur la perche de direction et pressant les chiens.

La Fumée resta un instant tout saisi ; c’était le pre-