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Page:London - Belliou la fumée, trad. Postif, 1941.djvu/152

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BELLIOU-LA-FUMÉE

feignaient de l’ignorer ou le menaçaient. Il en compta trente-huit ; c’était une bande sauvage et rude, tous hommes de la frontière des États-Unis ou voyageurs du Canada supérieur. Ceux qui l’avaient capturé ne se lassaient pas de raconter l’histoire, et chacun formait le centre d’un groupe irrité et gesticulant. Certains murmuraient :

« Lynchons-le tout de suite ; pourquoi attendre ? »

Et ils eurent grand-peine à contenir un gros Irlandais qui voulait se précipiter sur le prisonnier sans défense.

C’est en dénombrant les assistants que la Fumée aperçut une figure familière, celle de Breck, l’homme dont il avait fait passer le bateau à travers les rapides. Il s’étonna que celui-ci ne vînt pas lui parler, mais ne risqua de son côté aucun signe de reconnaissance.

Un peu plus tard, Breck passa près de lui, et, s’abritant le visage, lui lança un coup d’œil significatif. La Fumée comprit.

La barbe noire, que la Fumée avait entendu appeler Eli Harding, finit par imposer silence à ceux qui discutaient s’il fallait ou non lyncher immédiatement le prisonnier.

« Arrêtez ! rugit-il. Calmez-vous. Cet homme m’appartient. C’est moi qui l’ai pris et amené ici. Pensez-vous que je lui ai fait parcourir tout ce chemin pour qu’on le lynche ? J’aurais pu m’en charger moi-même au moment de sa capture. Je l’ai amené ici pour qu’il subisse un jugement équitable et impartial, et je jure qu’il l’aura. Il est solidement attaché et il n’y a pas de danger qu’il s’échappe. Jetez-le sur une couchette jusqu’à demain matin, et nous lui ferons son procès ici même. »