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BELLIOU-LA-FUMÉE

alloué de nouveau, et pas un jalon ne pouvait être planté avant cet instant précis. Telle était la règle arrêtée par le Commissaire de l’or, à Dawson, et le capitaine Consadine avait envoyé une escouade de police à cheval pour la faire observer. Des discussions s’étant élevées sur la différence entre l’heure solaire et l’heure officielle, Consadine avait décrété que l’heure de la police ferait loi, et particulièrement celle qu’indiquait la montre du lieutenant Pollock.

La piste de la Mono effleurait le bord de la rivière ; large de soixante-cinq centimètres seulement, elle ressemblait à une rainure entre deux murailles de neige tombée depuis plusieurs mois. Le problème qui hantait les esprits était de savoir comment une quarantaine de traîneaux attelés de trois cents chiens pourraient prendre le départ dans un passage si étroit.

« Eh ! déclara le Courtaud, ça va être le plus beau gâchis qu’il y ait jamais eu au monde. Je ne vois pas d’autre moyen de s’en tirer, la Fumée, que de labourer là-dedans à la sueur de nos fronts et à la force des poignets. Quand même la rivière serait couverte de glace unie sur toute sa largeur, il n’y aurait pas assez de place pour une douzaine de traîneaux en ligne. J’ai le pressentiment qu’il va y avoir de la casse à foison avant qu’ils se mettent à la file. Et si ça vient de notre côté, il faut me laisser faire le coup de poing. »

La Fumée se carra des épaules et émit un rire plein de réserve.

« Non, non pas de ça ! cria son camarade d’un air alarmé. Quoi qu’il arrive, ne t’avise pas de cogner. Tu ne pourrais pas conduire les chiens sur cent soixante kilomètres avec des jointures fendues, et c’est ce qui arrivera si tu les appliques sur la mâchoire de quelqu’un. »