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Page:London - Belliou la fumée, trad. Postif, 1941.djvu/181

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BELLIOU-LA-FUMÉE

et les seize kilomètres du parcours sur le Yukon.

« Combien sont-ils en avant ? demanda-t-il.

— Ferme ça ! ménage ton souffle, répondit le Courtaud. Hue ! les chiens ! Allez-y ! »

Il courait derrière le traîneau, accroché à une courte corde. La Fumée ne pouvait le voir, pas plus d’ailleurs que le traîneau sur lequel il était couché tout de son long. Ayant laissé derrière eux les foyers allumés, les chiens fendaient à toute vitesse une obscurité presque poisseuse, tant elle paraissait dense.

La Fumée sentit le traîneau pivoter sur un patin en tournant une courbe invisible, et entendit en avant des bêtes qui grognaient et des hommes qui juraient. Ce bruit provenait de ce qu’on appela plus tard l’encombrement Barnes-Slocum. Les traîneaux des deux hommes ainsi nommés venaient d’entrer en collision, et les sept gros batailleurs de la Fumée s’empilèrent dans le tas à fond de train. Tous ces chiens rassemblés sur la rivière Mono n’étaient guère que des loups apprivoisés, et les émotions de cette nuit les rendaient fous d’ardeur combative. Les chiens du Klondike, que l’on mène sans rênes, ne peuvent être arrêtés que par la voix : il était donc impossible de réprimer cette orgie de férocité qui s’entassa entre les bords resserrés de la rivière. L’un après l’autre, les attelages arrivant de derrière se précipitaient dans la mêlée. Les hommes qui avaient réussi à dégager le leur étaient submergés par de nouvelles avalanches d’animaux bien repus, bien reposés et ne demandant qu’à se battre.

« Il s’agit d’assommer à droite et à gauche, pour se dépêtrer et foncer à travers ! hurla le Courtaud à l’oreille de son compagnon. Et ménage tes