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BELLIOU-LA-FUMÉE

« Petites étapes et petites haltes, murmura-t-il. Voilà le truc. »

Il ne réussissait pas toujours à parcourir cent mètres d’une traite, et chaque fois qu’il se remettait sur pied pour un nouveau et bref trajet, le sac devenait indubitablement plus lourd. Il haletait et suait à grosses gouttes. Avant d’avoir couvert quatre cents mètres, il ôta sa chemise de flanelle et la suspendit à un arbre. Un peu plus loin, il se débarrassa de son chapeau. Au bout de huit cents mètres, il reconnut qu’il était exténué. De sa vie il n’avait fourni un pareil effort, et il se sentit à bout. Il s’assit tout pantelant, et ses yeux se posèrent sur son gros revolver et sa lourde ceinture à cartouches.

« Dix livres de rebut », ricana-t-il en la débouclant.

Il ne se donna même pas la peine de l’accrocher à un arbre, mais la lança dans les broussailles. Et comme le flot continu des porteurs le dépassait, montant ou descendant la piste, il remarqua que les autres pieds-tendres commençaient aussi à se débarrasser de leur meurtrière ferraille.

Ses étapes devenaient de plus en plus courtes. Parfois il ne pouvait faire plus d’une trentaine de mètres, et en chancelant, car le sinistre battement de son pouls contre ses tympans et le tremblement démoralisant de ses genoux l’obligeaient à s’arrêter ; en revanche, ses pauses se prolongeaient. Cependant son esprit ne demeurait pas inactif. Il se représentait ce portage de quarante-cinq kilomètres, correspondant à un nombre égal de journées ; et, de l’avis de tous, ce début du voyage en était la partie la plus facile.

« Attendez que vous soyez au Chilcoot, lui disaient les autres pendant les haltes ; là il vous faudra grimper à quatre pattes.