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BELLIOU-LA-FUMÉE

— La Fumée tout court : laissez le « monsieur » de côté, suggéra Kit.

Sprague fit un hochement sec de la tête et s’éloigna parmi les tentes, bientôt suivi du Dr Stine, qui, lui, était un maigre et pâle jouvenceau. Le Courtaud regarda son compagnon d’un air significatif.

« Plus d’une tonne et demie d’équipement, et vous allez voir qu’ils ne vous donneront pas même un coup de main.

— Sans doute parce que nous sommes payés pour faire la besogne, répondit Kit d’un ton de bonne humeur, et nous ferons aussi bien de nous y atteler. »

Transporter trois mille livres sur ses épaules à une centaine de mètres n’est jamais une tâche facile ; mais ici, au sein d’une petite tempête, pour des hommes pataugeant dans la neige avec de lourdes bottes de caoutchouc, ce labeur était particulièrement éreintant. En outre, il fallut démonter la tente et emballer le petit attirail de campement. Puis vint le chargement. À mesure que la barque s’enfonçait, il fallait la pousser de plus en plus loin, ce qui augmentait d’autant le chemin à parcourir dans l’eau.

Vers deux heures tout était fini, et Kit, en dépit de son double déjeuner, tombait d’inanition au point que ses genoux se dérobaient sous lui. Le Courtaud, à peu près dans le même état, fouilla parmi les casseroles et attira un grand pot de haricots bouillis et congelés avec des morceaux de lard. Ils n’avaient qu’une cuillère à long manche, et ils la plongeaient tour à tour dans le pot. Et Kit avait la certitude de n’avoir rien mangé d’aussi bon de sa vie.

« Eh bien, mon vieux, marmottait-il entre deux bouchées, j’ignorais absolument ce que c’est que l’appétit avant d’avoir pris la piste. »