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BELLIOU-LA-FUMÉE

bonne humeur. Le Courtaud, en dépit de son pessimisme chronique, restait toujours joyeux, et Kit était trop intéressé par les événements pour être triste. Sprague lutta avec la barre du gouvernail pendant un quart d’heure, puis jeta un regard de détresse vers Kit, et celui-ci prit sa place.

« Mes bras sont presque brisés de fatigue, murmura Sprague en manière d’excuse.

— Vous n’avez jamais bouffé de viande d’ours, sans doute ? demanda Kit d’un air de compassion.

— Que diable voulez-vous dire ?

— Oh ! rien, pour savoir. Une idée à moi. »

Mais derrière le dos du patron, Kit surprit la grimace approbatrice de Courtaud, qui avait tout de suite saisi le sel de la plaisanterie.

Kit déploya de telles aptitudes que les deux richards indolents le promurent timonier. Le Courtaud, non moins satisfait, se résigna volontiers au rôle de cuistot, laissant à l’autre tout le travail de la navigation.

Entre le Linderman et le lac Bennet il y avait un portage. Le bateau, déchargé de la plus grande partie de son poids, fut amarré sur une ligne pour descendre le chenal court mais rapide. Kit fit là son apprentissage de certaines difficultés de batellerie. Mais quand il fallut transborder le bagage, Stine et Sprague avaient disparu, et leurs hommes y dépensèrent deux jours d’un travail exténuant. Ce devait être l’histoire de beaucoup d’autres journées misérables au cours de leur voyage : Kit et le Courtaud trimaient jusqu’à l’épuisement, tandis que leurs maîtres ne faisaient rien et voulaient être servis.

L’hiver boréal resserrait son cercle de fer, et ils étaient retenus par de nombreux et inévitables délais.