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BELLIOU-LA-FUMÉE

« Mon Dieu ! s’écria-t-il, le meilleur nageur n’aurait pas la moindre chance de s’en tirer. »

Le Courtaud donna à Kit un coup de coude significatif et dit à demi-voix :

« Il a peur. Des dollars contre des pets de nonne, qu’ils ne s’y risqueront pas. »

— Kit l’entendit à peine. Depuis le début de leur voyage fluvial, il s’était familiarisé avec la perversité inconcevable et obstinée des éléments, et le spectacle qui se déroulait sous ses yeux l’incitait à la manière d’un défi.

« Il faudra nous maintenir au sommet de cette croupe, dit-il. Si nous nous en écartons, nous cognerons les murs.

— Et nous ne saurons jamais ce qui nous aura cognés, déclara le Courtaud. Savez-vous nager, la Fumée ?

— J’aimerais mieux ne pas savoir, si quelque chose allait de travers là-dedans.

— C’est ce que je me dis, proclama lugubrement un inconnu qui, debout auprès d’eux, contemplait le cañon. Et je donnerais je ne sais quoi pour en être sorti.

— Moi, je ne vendrais pas ma chance d’y passer pour tout l’or du monde », répondit Kit.

Il parlait sincèrement, mais avec l’intention de rassurer l’homme. Il fit un pas pour retourner au bateau.

« Est-ce que vous allez tenter l’aventure ? » demanda l’étranger.

Kit fit un signe affirmatif.

« Je voudrais bien avoir le courage d’en faire autant, avoua l’autre. Voilà des heures que je suis là, et plus je regarde, plus j’ai peur. Je ne suis pas batelier, et je n’ai avec moi que mon tout jeune neveu et ma