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BELLIOU-LA-FUMÉE

« Prenons-nous les chiens ? demanda-t-il.

— Non. La piste d’ici à la rivière n’est sûrement pas battue et nous irons plus vite sans eux.

— Alors je vais leur jeter une portion, et il faudra qu’elle dure jusqu’à notre retour. N’oublie pas d’emporter de l’amadou et une chandelle. »

Le Courtaud ouvrit la porte, et ayant senti la morsure du froid, se recula pour abaisser ses oreillères et mettre ses moufles.

Il rentra cinq minutes après en se frottant vigoureusement le nez.

« Pour sûr, la Fumée, cette course-là n’est pas du tout de mon goût. Le temps est froid comme pouvaient l’être les portes de l’enfer mille ans avant que le premier feu ne fût allumé. En outre, c’est un vendredi treize, et il nous arrivera des aventures, pour sûr et certain. »

Portant sur le dos leur petit équipement de course, ils fermèrent la porte derrière eux et descendirent la montagne. L’aurore boréale avait terminé son feu d’artifice. Seules les étoiles palpitaient dans le grand froid, et leur obscure clarté rendait la marche incertaine. À un détour du sentier, le Courtaud s’enlisa dans la neige épaisse, et sa voix s’éleva pour bénir le jour de la semaine, le quantième du mois et la date de l’année.

« Tu ne peux donc pas te taire ? gronda la Fuméee. Laisse l’almanach tranquille. Tu vas mettre tout Dawson en éveil et nous l’amener sur le dos.

— Euh ! Regarde la lumière de cette cabane… et dans cette autre, là-bas. Et écoute cette porte qu’on ferme. Oh ! pour sûr, Dawson est endormi. Ces lumières-là ? C’est pour veiller un mort. Il n’y a pas de ruée, je le parierais sur ta vie. »