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BELLIOU-LA-FUMÉE

Quand ils atteignirent le pied de la montagne et se trouvèrent en pleine ville, des clartés jaillissaient aux fenêtres, des portes battaient de tous côtés, et derrière eux surgissait le bruit de nombreux mocassins frappant la neige battue. Le Courtaud lâcha une réflexion.

« C’est fantastique comme il y a du monde à cet enterrement ! »

Ils dépassèrent un homme qui, debout près du sentier, en appelait un autre à voix basse et inquiète :

« Oh ! Charlot, dépêche-toi ! »

« Tu as vu le fourniment qu’il avait sur le dos, la Fumée ? Le cimetière doit être loin quand les gens du cortège sont obligés d’emporter leurs couvertures ! »

Lorsqu’ils s’engagèrent dans la rue principale, une centaine d’hommes étaient à la file derrière eux, et ils en entendaient d’autres accourir pendant qu’à la douteuse clarté stellaire ils cherchaient le sentier qui descendait vers la rivière. Tout à coup le Courtaud glissa et tomba dans la neige molle au fond d’un ravin de dix mètres. La Fumée le suivit et culbuta pardessus au moment où il se relevait.

« C’est moi qui l’ai trouvé le premier, bredouilla L’autre en ôtant ses moufles pour en secouer la neige entrée dans les parements. »

L’instant d’après ils durent jouer des pieds et des mains pour se soustraire au rude choc des corps qui dégringolaient à leur suite.

Au moment du gel, un tassement s’était produit en cet endroit, et un labyrinthe de glaçons se dressait sous la neige. À la suite de faux pas pénibles et réitérés, la Fumée tira sa bougie et l’alluma, et ceux qui venaient derrière saluèrent de leurs acclamations ce lumignon qui brûlait tranquillement dans l’air immobile. La Fumée prit les devants et marcha plus vite.