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BELLIOU-LA-FUMÉE

« Pour sûr, c’est une ruée, déclara le Courtaud, à moins que tous ces gens-là ne soient des somnambules.

— En tout cas, nous sommes en tête de la procession, répondit la Fumée.

— Oh ! je n’en sais rien. C’est peut-être un ver luisant que j’aperçois là-bas, et celui-là et cet autre encore. Regarde-les et crois-moi. Il y a une belle queue devant nous. »

Il fallait traverser un kilomètre et demi de glace brisée pour atteindre la rive Ouest du Yukon, et les chandelles vacillaient sur toute la longueur de cette piste capricieuse. Derrière eux, d’autres lumières scintillaient jusqu’au sommet de la rive qu’ils venaient de descendre.

« Dis donc, la Fumée, ce n’est pas une ruée, c’est une esq… un eks… un exode. Il doit y avoir un millier d’hommes devant nous et dix mille derrière. Maintenant, écoute un peu ton oncle. Ma médecine est bonne. Quand j’ai le cafard, il y a pour sûr un motif. Nous sommes mal embarqués pour cette excursion. Retournons dormir.

— Tu ferais mieux d’épargner ton souffle si tu veux tenir le pas, répliqua la Fumée d’un ton bourru.

— Euh ! j’ai les jambes courtes, mais je m’abstiens de raidir les jarrets et de fatiguer mes muscles, et pour sûr je pourrais dépasser tous ces individus ici sur la glace. »

La Fumée savait qu’il disait vrai, ayant depuis longtemps apprécié les qualités extraordinaires de son camarade comme marcheur.

« Je me retenais pour te donner une chance de me suivre, plaisanta la Fumée.

— Et je te marche en plein sur les talons. Si tu ne