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BELLIOU-LA-FUMÉE

phe : « Où vas-tu, petit ? Est-ce que vraiment tu espères jalonner un lot ? » le Courtaud répondit :

« C’est moi qui ai découvert la rivière de la Squaw, et je reviens de faire enregistrer mon lot pour qu’il ne puisse m’être soufflé par quelque sale Chéchaquo. »

En terrain plat, la vitesse moyenne des concurrents était de cinq kilomètres à l’heure. La Fumée et le Courtaud en faisaient six et demi ; par instants, ils allaient plus vite et prenaient même le pas de course.

« Je vais t’user les pieds, le Courtaud, disait la Fumée en guise de défi.

— Bah ! en marchant sur les moignons, je pourrais encore fatiguer les talons de tes mocassins. Mais c’est peine perdue. J’ai fait mes calculs. Les lots de la rivière sont de cent-soixante cinq mètres chacun. Mettons qu’il y en ait six au kilomètre. Nous avons devant nous un millier de concurrents, et la rivière n’a pas cent cinquante kilomètres de long. Certains resteront le bec dans l’eau, et il me semble bien que toi et moi sommes de ceux-là. »

Avant de répondre, la Fumée redoubla le pas d’une façon inattendue, si bien que le Courtaud se trouva distancé de deux mètres.

« Si tu épargnais ton souffle au lieu de rester à la traîne, nous aurions vite dépassé quelques unités de ce millier-là, dit la Fumée, railleur.

— Qui ça ? moi ? Ôte-toi seulement de mon chemin et je te montrerai ce que c’est que de tricoter des jambes. »

La Fumée se mit à rire, et pressa l’allure de nouveau. Toute l’aventure avait changé d’aspect à ses yeux, et il ruminait dans son cerveau une expression de philosophie technique, la « transmutation des valeurs ». En fait, il tenait moins à s’assurer une fortune