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BELLIOU-LA-FUMÉE

il fallait les efforts les plus vigoureux pour y ramener l’ardente piqûre de la circulation.

Plus d’une fois ils se crurent arrivés en tête de file, mais toujours ils rejoignaient de nouveaux concurrents partis avant eux. De temps en temps des groupes essayaient de suivre leur allure, mais régulièrement ils se décourageaient au bout de deux ou trois kilomètres, et les ténèbres se refermaient sur eux.

« Nous autres, nous avons battu la piste tout l’hiver, commentait le Courtaud, et ces gaillards-là, amollis par les loisirs de leurs cabanes, ont le toupet de croire qu’ils peuvent marcher de pair avec nous. Si leur levure était de bonne qualité, ce serait différent ; car, pour sûr, le propre d’une bonne levure, c’est de faire lever les pattes. »

À un moment donné, la Fumée frotta une allumette pour consulter sa montre. Il ne renouvela pas l’expérience, la morsure du gel sur ses mains nues avait été si prompte qu’il fallut une demi-heure pour les faire revenir à l’état normal.

« Quatre heures, dit-il en remettant ses moufles, et nous en avons déjà dépassé trois cents.

— Trois cent trente-huit, rectifia le Courtaud. Ma comptabilité est à jour. Débarrassez le chemin, noble étranger. Laissez galoper quelqu’un qui sait ce que c’est qu’une ruée. »

Ces derniers mots s’adressaient à un homme, évidemment à bout de forces, qui pouvait à peine soulever ses pieds et bloquait la piste. Celui-ci et un autre furent les deux seuls traînards qu’ils rencontrèrent, car ils étaient tout près de la tête de la colonne.

Ce n’est que plus tard qu’ils entendirent raconter