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BELLIOU-LA-FUMÉE

toutes les horreurs de cette nuit. Des hommes, contraints de s’asseoir par la fatigue, ne s’étaient jamais relevés. Sept furent gelés à mort, et de nombreuses amputations de doigts et d’orteils, et même de pieds, furent pratiquées dans les hôpitaux de Dawson. Car entre toutes les nuits de l’année, la ruée s’était produite précisément dans la plus froide. Un peu avant l’aurore, les thermomètres à esprit-de-vin marquèrent cinquante-six degrés au-dessous de zéro. Et, à peu d’exceptions près, les hommes dont se composait la ruée étaient de nouveaux venus dans le pays, qui ne connaissaient pas les périls du froid.

Quelques minutes après, ils rencontrèrent l’autre épave humaine ; elle leur fut révélée par un rayon d’aurore boréale qui jaillissait de l’horizon au zénith comme le faisceau d’un projecteur. L’homme était assis sur un morceau de glace, près de la piste.

« Trotte, frère Jacques ! cria joyeusement le Courtaud. Dépêche-toi ! Si tu restes là, tu vas geler. »

Ne recevant pas de réponse, ils s’arrêtèrent, pour voir ce qu’il y avait.

« Raide comme un piquet, fut le jugement du Courtaud. Si tu le poussais un peu fort, il se casserait.

— Regarde s’il respire », dit la Fumée, qui, s’étant déganté, cherchait le cœur de l’homme sous la fourrure et le lainage.

Le Courtaud souleva un rabat de sa casquette et se pencha vers les lèvres glacées.

« Pas de souffle, déclara-t-il.

— Ni de battement de cœur », ajouta la Fumée.

Il reganta sa main et la battit vigoureusement pendant une minute avant de l’exposer au gel pour enflammer une allumette. C’était un homme âgé, et il était incontestablement mort. À la lueur, ils entre-