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BELLIOU-LA-FUMÉE

virent une longue barbe grise chargée de glaçons jusqu’aux narines, des joues blanches de givre et des yeux fermés dont les cils étaient scellés de glace. Puis l’allumette s’éteignit.

« En route, dit le Courtaud, en se frottant l’oreille. Nous ne pouvons rien pour le pauvre diable. Et pour sûr je me suis gelé l’oreille : toute la peau va tomber, et elle sera écorchée pendant une semaine. »

Quelques instants plus tard, une banderole flamboyante, versant dans les cieux sa palpitation lumineuse, leur révéla, à cinq cents mètres en avant, deux silhouettes sur la glace. Au-delà, sur quinze cents mètres de distance, rien ne bougeait.

« Ce sont ceux-là qui mènent la procession, dit la Fumée, tandis que l’obscurité retombait. Essayons de les rejoindre. »

Au bout d’une demi-heure, comme ils ne les avaient pas encore rattrapés, le Courtaud prit le pas gymnastique.

« Si nous les rejoignons, nous ne les dépasserons pas, haleta-t-il. Bon Dieu, quelle allure ! des dollars contre des pets de nonne que ce ne sont pas des Chéchaquos. ce sont de vraies Pâtes-aigres ; tu peux tabler là-dessus. »

La Fumée était devant quand ils finirent par les revoir, et il fut heureux de reprendre haleine, au pas accéléré, sur leurs talons. Presque tout de suite, il eut l’impression que la personne la plus rapprochée de lui était une femme. Il n’aurait pu dire d’où lui venait cette idée. Encapuchonnée et emmitouflée de fourrures, c’était une forme vague comme toutes les autres ; et, pourtant, elle lui semblait familière.

Le prochain flamboiement de l’aurore boréale lui laissa entrevoir des pieds minuscules chaussés de