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BELLIOU-LA-FUMÉE

— C’est certainement déplorable, sympathisa la Fumée. Mais je veux bien être pendu si je vois ce que vous pouvez y faire. Premier arrivé, premier servi, vous savez !

— Je voudrais bien pouvoir y remédier, riposta-t-elle avec la vivacité de l’éclair. Qu’ils gèlent tous sur la piste, ou qu’il leur arrive quelque chose de terrible, pourvu que la ruée du Sea-Lion arrive la première.

— Vous êtes tout de même dure pour nous, dit-il en riant.

— Ce n’est pas cela, répondit-elle vivement. Je les connais individuellement, tous ceux du Sea-Lion, et ce sont des hommes. Ils ont crevé de faim dans ce pays au temps passé, et travaillé comme des géants pour le développer. J’en ai vu de dures en leur compagnie sur le Koyokuk quand j’étais petite fille. J’ai subi avec eux la famine du Birch Creek, et celle de Forty Mile. Ce sont des héros qui mériteraient une récompense, et pourtant voilà des milliers de bleus et de mollassons qui ont des kilomètres d’avance sur eux. Et maintenant, si vous voulez bien me pardonner cette tirade, j’épargnerai mon souffle, car, d’un moment à l’autre, vous et tout le reste, allez peut-être essayer de nous dépasser, papa et moi. »

Pendant une heure environ, aucune autre parole ne fut échangée entre Joy et la Fumée ; mais, à un moment, il remarqua qu’elle et son père s’entretenaient à voix basse.

« Je les reconnais à présent, dit le Courtaud à la Fumée ; c’est le vieux Louis Gastell ; et c’est de la bonne marque. Ça doit être sa fillette. Il est venu dans le pays voilà si longtemps que personne ne peut se rappeler quand, et il a amené la petite, tout à fait bébé. Lui et Beetles s’étaient associés pour le com-