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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/223

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sur un cocotier et, par étapes successives, réussirent à l’amarrer à son sommet, à quinze mètres au-dessus du sol.

Toute lueur solaire avait disparu et fait place à un crépuscule sinistre. Des gouttes de pluie, chassées horizontalement par le vent, frappèrent Raoul au visage, comme des grains de plomb.

Les embruns d’eau salée lui produisaient l’effet d’une main d’homme qui le souffletait. Ses joues brûlaient et des larmes de douleur lui jaillirent involontairement des yeux.

Des centaines de noirs s’étaient réfugiés sur les cocotiers et, en des circonstances moins tragiques, le spectacle de tous ces fruits humains, suspendus par grappes dans les feuillages, eût été singulièrement risible.

Raoul, qui avait de l’eau jusqu’aux genoux, décida d’agir de même.

En vrai Tahitien qu’il était, il saisit à deux mains le tronc d’un cocotier. Puis, se pliant à la taille, il appuya sur l’écorce la plante de ses pieds et entama ainsi son ascension.

Au sommet de l’arbre, il trouva un homme, deux femmes et deux enfants, dont une fillette, qui serrait un chat dans ses bras.

Et, de son aire, il vit en face de lui, à même hauteur, le capitaine Lynch, qu’il salua de la main. Salut que le vaillant vieillard lui rendit aussitôt.

Ce qui, plus que tout, terrifiait Raoul, c’était l’aspect anormal du ciel, abaissé au point qu’on l’aurait, semblait-il, touché de la main en allongeant