Aller au contenu

Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le bras. Il avait également, de sa couleur plombée, passé à un noir fuligineux.

De nombreux indigènes étaient encore demeurés à terre par groupes et cramponnés, avec leurs bouts de corde, aux pieds des cocotiers.

Mêlé à l’un de ces groupes, un missionnaire mormon encourageait ses compagnons, priant avec eux et leur faisant chanter des cantiques.

Les sons rythmés des voix montaient jusqu’à Raoul, dans le déchaînement de l’ouragan. Ils parvenaient à son oreille pareils à l’imperceptible bruissement de lointaines cigales.

Un peu plus loin, il distinguait d’autres groupes, qui ouvraient aussi leurs bouches en cadence. Mais aucun son ne lui parvenait. Si incroyable que cela parût, le vent croissait toujours en violence. Aucun calcul n’eût été capable d’évaluer sa force. Et cependant, par un instinct mystérieux, on se rendait compte de sa puissance accrue.

À peu de distance de celui où était juché Raoul, un cocotier fut déraciné, projetant à terre son chargement d’êtres humains.

Au même moment, une vague monta du lagon et, quand elle se fut retirée, il n’y avait plus personne.

L’espace d’une seconde, Raoul entrevit dans le floconnement des écumes une épaule brune qui émergeait, un bras qui se tendait, la main crispée. Puis cette vision s’évanouit aussi rapidement qu’elle était apparue.

D’autres arbres cédaient et tombaient, s’empilant les uns sur les autres, comme des allumettes.