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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/228

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Par un caprice du destin, Mapouhi eut la chance surprenante d’être rejeté sur le rivage, saignant d’une vingtaine de blessures et maintenant hors de l’eau la tête de sa fille.

Ngakoura, à demi noyée, avait le bras gauche cassé, les doigts de la main droite écrasés. Sa joue et son front étaient entamés jusqu’à l’os.

À trois heures du matin, le vent commença à faiblir. Vers cinq heures, il n’était plus qu’une forte brise. À six heures, c’était le calme plat et le soleil brillait dans le ciel bleu. La mer s’était parallèlement apaisée. La grève était couverte de morts, rejetés par les vagues et horriblement défigurés.

Mapouhi se mit à la recherche, parmi eux, de sa mère et de sa femme. Incontestablement, elles étaient du nombre.

Sous un monceau de cadavres qu’il souleva les uns après les autres, il trouva en effet Téfara inanimée, la moitié de son corps baignant dans l’eau du lagon.

Il s’assit sur le sable à côte d’elle, et pleura avec des plaintes rauques d’animal, à la manière des primitifs.

Puis il la vit qui remuait péniblement, en gémissant. Il se pencha sur elle et constata qu’elle vivait toujours. Elle avait seulement perdu connaissance et, comme Mapouhi, avait bénéficié d’une chance miraculeuse.

Des douze cents vivants de la veille, trois cents seulement avaient survécu. Pas une maison, pas une paillote ne restaient debout dans l’île.