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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/230

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avait été séparée des siens et dont le corps demeurait introuvable, avait été emportée dans une aventure particulière.

Cramponnée à une planche mal rabotée qui l’écorchait, la meurtrissait, lui criblait la peau de milliers d’échardes, Naouri fut soulevée par une lame au-dessus du rempart des coraux et entraînée en pleine mer.

Là, sous les effroyables gifles liquides, elle perdit sa planche.

C’était une vieille femme qui allait vers ses soixante ans. Mais elle était née et avait toujours vécu dans les îles, et gardait dans le sang l’accoutumance de la mer.

Elle nagea dans l’obscurité, étranglant, suffoquant, et reçut un coup violent à l’épaule d’une noix de coco qui flottait.

Sans perdre la tête, elle se saisit de la noix par les fibres ligneuses qui y attenaient encore.

Dans l’heure qui suivit, elle en captura sept autres, qu’elle lia ensemble et qui constituèrent une bouée à laquelle elle dut la vie.

Puis, tout en invoquant son dieu Requin et le priant de la préserver de ces monstres, elle attendit patiemment que l’ouragan s’apaisât. Elle fut, à l’aube, projetée sur un îlot sablonneux. Mais tel était son épuisement que tout d’abord elle n’en eut pas conscience.

Le soleil la tira de sa torpeur et elle gagna le centre de l’îlot, pour n’être point emportée par le ressac.

Ce petit bout de terre ne pouvait être, elle ne