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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/56

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La nuit, l’équipage en était réduit à marcher sur les dormeurs, qui formaient une double couche de corps amoncelés les uns sur les autres.

La traversée, en principe, devait être courte. Deux ou trois jours y auraient suffi, si d’alizé du Sud-Est avait, comme nous comptions, venté frais.

Mais il en advint tout autrement. Dès le premier jour, le vent mollit et, le lendemain matin, tomba complètement.

Ce fut, sous le soleil torride et sur une mer vitreuse, un calme plat, éblouissant. L’idée seule d’ouvrir les yeux vous mettait la tête en marmelade.

Dans l’après-midi du second jour, un noir mourut. C’était un indigène de l’île de Pâques, un de nos meilleurs plongeurs.

Ce fut la variole qui l’emporta. Parfaitement. Comment la variole était-elle venue à bord, alors qu’à terre personne n’en avait présenté le moindre symptôme ? Voilà qui était inexpliquable.

Le mal était là, cependant. Un homme mort, dans l’après-midi, et, à la fin du jour, trois autres étendus sur le dos.

Et rien à faire. Impossible d’isoler les malades et, par suite, de les soigner. Nous étions, je l’ai dit, serrés comme des sardines. Rien à faire, que de pourrir de compagnie et de mourir.

Au cours de la nuit qui suivit, le second, le subrécargue, le Juif polonais et quatre plongeurs noirs filèrent, en sourdine, dans la baleinière.

Je n’ai plus jamais entendu parler d’eux.