Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/106

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face nulle irrégularité. Il avança, pour y marcher, et s’enfonça, hurlant d’effroi, repris une fois encore par la tenaille de l’Inconnu[1]. C’était froid et il étouffait. Il ouvrit la bouche pour respirer. L’eau se précipita dans ses poumons, au lieu de l’air qui avait coutume de répondre à l’acte respiratoire. La suffocation qu’il éprouvait était pour lui l’angoisse de la mort ; elle était, lui semblait-il, la mort même. De celle-ci il n’avait pas une conscience exacte, mais, comme tout animal du Wild, il en possédait l’instinct. Cette épreuve lui parut le plus imprévu des chocs qu’il avait encore supportés, l’essence de l’Inconnu et la somme de ses terreurs, la suprême catastrophe qui dépassait son imagination et dont, ignorant tout, il redoutait tout.

Revenu cependant à la surface, il sentit l’air bienfaisant lui entrer dans la bouche. Sans se laisser couler à nouveau et tout à fait comme si cet acte eût été chez lui une vieille habitude, il fit aller et venir ses pattes et commença à nager. La berge qu’il avait quittée, et qui était la plus proche de lui, se trouvait à un yard de distance. Mais, remonté à la surface, le dos tourné à cette berge, ce fut la berge opposée qui frappa d’abord son regard et vers laquelle il nagea. Le torrent, peu important en lui-même, s’élargissait à cet endroit, en un

  1. Ceci, qui pourrait paraître exagéré, est très véridique cependant. J’ai vu, durant l’hiver, une poule accomplir le même acte sur le bassin de ma cour. Il avait neigé et, comme elle voyait l’eau noire au milieu de la neige, elle la prit pour du terrain solide. Ce fait n’est pas isolé, paraît-il. (Note d’un des Traducteurs.)