Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/107

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bassin tranquille d’une centaine de pieds, au milieu duquel le courant continuait sa course et, happant au passage le louveteau, l’entraîna. Maintenant nager ne servait plus à rien. L’eau calme, devenue soudain furieuse, le roulait avec elle, tantôt au fond du torrent, tantôt à la surface. Emporté, retourné sens dessus dessous, encore et encore lancé contre les rochers, il gémissait lamentablement à chaque heurt qui marquait sa course.

Plus bas et succédant au rapide, s’étendait un second bassin, aussi paisible que le premier, et où le louveteau, porté par le flot, était finalement déposé sur le lit de gravier de la berge. Il s’y ébroua avec frénésie. Son éducation sur le monde s’était enrichie d’une leçon de plus. L’eau n’était pas vivante et cependant elle se mouvait. Elle paraissait aussi solide que la terre, mais elle n’était pas du tout solide. Conclusion : les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être ; il convient, en dépit de leur apparence, d’être, à leur encontre, en un perpétuel soupçon, de ne jamais s’y reposer avant d’en avoir vérifié la réalité. La crainte de l’Inconnu, qui était chez lui une défiance héréditaire, se renforçait désormais de l’expérience acquise.

Une autre aventure l’attendait encore, ce jour-là. Il avait remarqué que rien dans le monde n’était pour lui l’équivalence de sa mère, et il sentait le désir d’elle. Comme son corps, son petit cerveau était las. Il avait eu à supporter plus de luttes et de peines en ce seul jour qu’en tous ceux qu’il avait vécus jusqu’alors. De plus, il tombait de sommeil. Aussi se mit-il en route, en