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EN PAYS LOINTAIN

homme dont la situation était bien assise ; son compte en banque égalait la richesse de son savoir, ce qui n’est pas peu dire. Rien ne l’obligeait à s’embarquer dans une telle aventure, — aucune raison au monde — sauf qu’il était atteint d’une sentimentalité anormale. Il se figurait voir dans cette entreprise le véritable esprit du Romanesque et de l’Aventure. Plus d’un avant lui en a fait autant, et a commis cette funeste méprise.

La première débâcle du printemps vit le groupe descendre, avec des glaçons, le Fleuve de l’Élan.

C’était une flottille imposante, car elle emmenait un approvisionnement considérable, et les blancs étaient accompagnés d’un contingent de métis mal famés, avec femmes et enfants.

Jour après jour, ils trimaient sur les bateaux et pirogues, faisaient la chasse aux moustiques et autres pestes analogues, ou suaient et juraient pendant toute la durée des portages.

Un labeur comme celui-là met à nu l’âme humaine jusqu’aux racines : et avant qu’on eût perdu de vue, vers le Sud, le lac Athabasca, chaque membre de l’expédition avait hissé son vrai pavillon.

Carter Weatherbee et Percy Cuthfert s’étaient révélés comme les deux plus fainéants et geignards de la bande. Tous leurs camarades, ensemble, se plaignaient moins de leurs ennuis et de leurs souffrances que chacun de ces deux êtres en particulier. Pas une fois, ils ne se seraient offerts spontanément pour accomplir l’une des mille et une petites corvées