Page:London - En pays lointain.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
EN PAYS LOINTAIN

désiré ; le froid était inexorable et le poêle exigeait de fortes quantités de combustible. Leurs cheveux et leurs barbes devenaient hirsutes, et leurs hardes auraient rebuté un chiffonnier. Mais ils ne s’en souciaient pas. Ils étaient malades et personne ne pouvait les voir ; en outre, tout mouvement leur était pénible.

À tout cela venait s’ajouter un nouveau sujet d’inquiétude – la peur du Nord. Cette peur, fille à la fois du Grand Froid et du Grand Silence, était née dans les ténèbres de décembre quand le soleil avait plongé pour de bon derrière l’horizon du Sud. Elle les affectait suivant leurs mentalités différentes. Weatherbee, en proie aux superstitions les plus grossières, faisait de son mieux pour évoquer les esprits des inconnus qui dormaient dans leurs tombeaux. Il s’y passionnait et il rêvait qu’ils sortaient du froid pour venir vers lui, se blottissaient dans ses couvertures et lui contaient les aventures et les tracas qui avaient précédé leur trépas. Il s’arrachait à leur contact en les sentant se rapprocher de lui et mêler aux siens leurs membres glacés ; et quand ils lui chuchotaient à l’oreille les secrets de l’avenir, la cabane retentissait de ses hurlements de terreur.

Cuthfert n’y comprenait rien – car les deux compagnons ne se parlaient plus – et lorsque ces cris le réveillaient, il ne manquait jamais de saisir son revolver. Puis il se mettait sur son séant, tremblait nerveusement, son arme braquée sur le dormeur