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EN PAYS LOINTAIN

inconscient. Il se figura que l’homme devenait fou et commença à craindre pour son existence.

Sa maladie à lui affectait une forme moins concrète. L’artisan inconnu qui avait construit la cabane, poutre par poutre, avait fixé une girouette sur le toit et Cuthfert avait remarqué qu’elle indiquait invariablement le Sud ; certain jour, irrité de la voir dans cette même position il la tourna vers l’Est et la surveilla attentivement ; mais pas un souffle d’air ne la fit remuer ; alors il la déplaça vers le Nord, en jurant de ne plus y toucher tant que le vent ne soufflerait point. Mais le calme surnaturel de l’air l’effrayait et, bien souvent, il se levait au milieu de la nuit pour aller voir si la girouette avait viré. Une déviation de dix degrés aurait suffi pour le contenter. Mais non, elle restait fixée au-dessus de sa tête, immuable comme le Destin. Son imagination se mit à battre la campagne et bientôt il considéra la girouette comme une sorte de fétiche.

Parfois, il suivait en pensée la route qu’elle indiquait à travers les mornes étendues, et laissait la peur envahir son âme. Il s’attardait à rêver à l’Invisible et à l’Inconnu jusqu’à se sentir écrasé par le fardeau de l’éternité. Tout, dans le Northland, possédait cette action déprimante — l’absence de vie et de mouvement, les ténèbres, la paix infinie de cette contrée mystérieuse, le sinistre silence dans lequel chaque battement du cœur retentit, la forêt imposante qui, dirait-on, recèle quelque chose d’effrayant et d’inexprimable que ni les mots