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Page:London - En pays lointain.djvu/26

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EN PAYS LOINTAIN

comme un Caliban, un fantôme monstrueux enchaîné à lui depuis l’éternité, en châtiment de quelque crime oublié.

Il vivait en compagnie de la Mort parmi les défunts, démoralisé par le sentiment de son propre néant, écrasé sous la masse puissante des âges révolus. La solennité de toutes choses l’épouvantait. Tout y concourait, sauf lui-même : la cessation complète du vent et du moindre mouvement, l’immensité des terre sauvages couvertes de neige, la hauteur du ciel et la profondeur du silence.

Cette girouette ! Si seulement, elle voulait tourner. Si la foudre pouvait tomber, ou la forêt s’embraser. L’effondrement des cieux, le fracas du Jugement Dernier ! N’importe quoi, n’importe quoi ! Mais non, rien ne remuait. Le silence s’amoncelait et la Peur du Nord étreignait son cœur de ses doigts de glace.

Un jour, nouveau Robinson Crusoé, il rencontra une piste sur le bord du fleuve — c’était l’empreinte légère d’un lièvre à raquettes sur le fin duvet de la neige. Ce fut pour lui comme une révélation. La vie existait donc dans le Northland ! Il la suivrait, l’étudierait, ne la lâcherait pas des yeux. Oubliant l’enflure de ses membres, il s’élança à travers la blanche épaisseur dans une dernière exaltation. Il s’enfonça dans la forêt, et le court crépuscule de midi s’évanouit. Il continua sa poursuite jusqu’à ce que la nature épuisée, reprenant ses droits, le couchât anéanti dans la neige. Alors il grogna, furieux contre