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EN PAYS LOINTAIN

un boqueteau par deux côtés opposés. Soudain, deux spectres désorbités se trouvèrent face à face. La maladie les avait transformés au point qu’il leur fut impossible de se reconnaître. Ils se redressèrent, hurlant d’effroi, et s’enfuirent sur leurs moignons ; ils s’écroulèrent à la porte de la cabane et se battirent à coups de griffes, comme de véritables démons jusqu’à ce qu’ils se fussent aperçus de leur méprise.

Parfois aussi ils revenaient à leur état normal. Pendant une de ces accalmies, ils divisèrent en deux parts égales le sucre, principal objet de leurs dissentiments. Il n’en restait plus que quelques tasses dans leurs sacs, rangés dans la cache ; aussi chacun d’eux, pris de défiance, surveillait le sien avec des yeux jaloux.

Mais un jour, Cuthfert se trompa. Pouvant à peine se déplacer, démoralisé par la souffrance, la tête vide, la vue incertaine, il rampa jusqu’à la cache, sa boîte à sucre à la main, et prit le sac de Weatherbee pour le sien.

Janvier venait de commencer lorsque cet événement se produisit. Le soleil était, depuis quelque temps déjà, remonté quelque peu vers le Sud et, à l’heure de midi, dispersait quelques superbes flots de lumière jaune sur le ciel septentrional.

Le lendemain de son erreur, Cuthfert ressentit une amélioration physique aussi bien que morale.

Midi approchait, le jour s’éclaircissait ; il se traîna dehors pour jouir de l’éphémère clarté qu’il considérait comme une promesse des futures intentions