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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/109

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vous-même et vous pousse aux actes de folie et d’audace.

Ceux-là, on ne les rencontre pas dans les bars, on ne les voit pas se rallier à des causes perdues, ni s’enflammer sur les chemins de l’aventure, ni aimer éperdument comme les amants élus de Dieu. Ils sont trop occupés à se tenir les pieds au sec, à ménager la régularité de leur pouls et à affubler de succès mondains leur esprit médiocre.

Je porte donc cet acte d’accusation contre John Barleycorn. C’est précisément les autres — les bons garçons, ceux qui valent quelque chose, ceux qui ont la faiblesse de leur trop grande force, de leur excès de verve et de fougue endiablée, qu’il sollicite à se perdre. Sans doute il anéantit aussi les malingres, mais je ne m’occupe pas ici de ce déchet de la race : je déplore plutôt que John Barleycorn en détruise les plus beaux spécimens. Cela vient de ce qu’on le trouve sur toutes les routes, grandes ou petites, protégé par la loi, salué des policiers, avec lesquels il cause et qu’il conduit par la main aux endroits où les bons garçons et les intrépides s’assemblent pour boire sec. Débarrassés de John Barleycorn, rien n’empêcherait ces héros de naître et, au lieu de dépérir, ils accompliraient de grandes choses.

Dans les coins les plus invraisemblables je rencontrais la camaraderie de la boisson. Je descendais parfois la voie du chemin de fer jusqu’au réservoir, et je m’étendais par terre, dans l’attente d’un train de marchandises, et dans l’espoir de tomber sur une bande d’alki-stiffs. Un alki-stiff est un trimardeur qui boit de l’alcool pur de pharmacien. Aussitôt les saluts et