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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/132

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Mais revenons à notre récit. De retour à la ville, confortablement installés dans un café japonais devant un agréable breuvage, Axel et moi causions des événements de l’après-midi tout en comparant nos meurtrissures. Comme nous avions pris goût à cette boisson calmante, nous la renouvelâmes. Un camarade, puis d’autres, firent irruption, et nous absorbâmes paisiblement consommation sur consommation.

Nous venions d’arrêter un orchestre japonais, et les premiers accents des samisens et des taïkos se faisaient entendre, lorsqu’un hurlement sauvage, provenant de la rue, traversa les murs de papier. Nous le reconnûmes immédiatement. C’était Victor qui poussait toujours des cris horribles, sans tenir compte des portes, les yeux injectés de sang et qui agitait d’un air farouche ses bras musclés ; il avait fondu sur nous à travers les murs de papier. Son ancienne rage ne l’avait point quitté, il voulait du sang, le sang de n’importe qui. L’orchestre s’enfuit, nous aussi, par les portes, à travers les fragiles cloisons —partout où nous pouvions passer.

Après avoir à moitié démoli l’établissement, nous nous mîmes d’accord, Axel et moi, pour payer les dégâts en plantant là Victor, en partie calmé, qui montrait les symptômes d’un état comateux, et nous cherchâmes ailleurs un endroit plus paisible.

La grand-rue était en pleine effervescence. Des centaines de matelots circulaient, en tous sens, par bandes folâtres. En raison de l’impuissance du chef de police qui ne disposait que d’une toute petite troupe, le gouverneur de la colonie avait lancé des ordres aux capitaines, leur enjoignant