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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/170

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sur la balance pour la peser, puis, toujours courant, je la roulais jusqu’à la chambre des machines, où je renversais ma charge sur les grilles, devant les foyers.

Du travail ! Mais j’en accomplissais plus que les deux hommes à la fois. Ils se contentaient, eux, de transporter le charbon et de le décharger sur les grilles. Non seulement j’approvisionnais l’équipe de jour, mais il me fallait encore empiler le charbon pour la nuit contre le mur de la salle des machines. Or cette pièce, prévue pour la réserve d’une nuit, était étroite, et comme le tas montait sans cesse, je devais l’étayer avec des planches épaisses. Lorsqu’il atteignait le plafond, je manipulais une deuxième fois le combustible en le nivelant à coups de pelle.

Je ruisselais de sueur, mais je continuais à la même allure, malgré l’épuisement que je sentais venir. À dix heures du matin, j’avais consommé une telle somme d’énergie que la faim s’empara de moi ; je retirai de ma gamelle un épais sandwich au beurre, tout souillé de charbon, que je dévorai, les genoux tremblant sous moi. Petit à petit, à onze heures tout mon déjeuner était liquidé. Qu’importait ? Cela me permit de travailler encore pendant l’heure du repas — et tout l’après-midi, sans m’arrêter. La nuit venue, je continuai sous la lumière électrique jusqu’au départ du chauffeur de jour, que son camarade de nuit venait remplacer. Seulement alors, je quittai le chantier.

À huit heures et demie du soir, affamé, chancelant, je me débarbouillai, changeai d’habits, et je me traînai jusqu’au tramway. J’habitais à 5 kilomètres de là. Sur ma carte de transports