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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/173

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Je ne lisais plus mes livres de la bibliothèque gratuite. Je n’avais plus de rendez-vous avec les jeunes filles. Je n’étais plus qu’une bête de somme : je travaillais, je mangeais et dormais, l’esprit profondément inerte. Tout cela ressemblait à un cauchemar. Longtemps à l’avance, j’attendais mon jour de congé mensuel, pour pouvoir me coucher toute la journée, dormir et me reposer enfin.

Chose curieuse ! Pendant cette pénible expérience, je ne pensai pas à prendre un verre. Je savais pourtant que les nommes, obligés de fournir de rudes travaux, buvaient presque toujours. Moi-même, dans le passé, je les avais imités. Mais j’étais si peu alcoolique de nature que, je le répète, l’idée ne me venait pas que la boisson ait pu me soulager. Je cite cet exemple pour prouver combien mon tempérament était peu prédisposé à l’alcool, et pour mettre en relief que, plus tard seulement, après bien des années, mon contact avec John Barleycorn fit naître en moi le besoin irrésistible de boire.

Le chauffeur de jour me fixait souvent d’un drôle d’œil. Un jour enfin il se décida à parler, non sans m’avoir fait jurer de garder le secret. Le directeur lui avait enjoint de ne rien me dire, et il risquait sa place en me prévenant.

Il me raconta l’histoire des deux manœuvres de nuit et de jour, et j’appris le salaire qu’ils recevaient. J’accomplissais, pour trente dollars par mois, la besogne pour laquelle ils recevaient à eux deux quatre-vingt dollars.

Le chauffeur m’aurait confié cela plus tôt, me dit-il, s’il n’avait pas été sûr que, incapable de résister, je quitterais le chantier. Le fait est que