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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/191

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devais méditer sur les façons insidieuses dont l’alcool nous dissimule sa tyrannie.

Après cette rechute à Bénicia je repris mes habitudes de tempérance, d’abord parce que je ne désirais pas boire, ensuite parce que ma vie se passait dans les livres et en compagnie d’étudiants sérieux. Il en aurait été autrement, bien entendu, si j’avais suivi le chemin de l’aventure, si fréquenté, hélas, par John Barleycorn !

Je terminai la moitié de ma première année et, en janvier 1897, je m’inscrivis pour le deuxième semestre. Mais je manquais d’argent, et j’acquis la conviction que l’Université ne me donnerait pas ce que j’attendais d’elle en si peu de temps. Je la quittai donc, et sans beaucoup de regret. Pendant deux ans, j’avais étudié et surtout j’avais lu une prodigieuse quantité de livres. Ma grammaire s’était perfectionnée. J’ignorais encore, il est vrai, quand il faut dire :It is I[1], mais je n’écrivais plus deux négations dans une phrase : pourtant j étais enclin à commettre cette faute dans le feu de mes discours.

Je résolus immédiatement de choisir une carrière. Quatre voies me tentaient : la musique, la poésie, les essais sur la philosophie, l’économie politique et la politique, et, enfin (celle qui m’attirait le moins) le roman.

Sans hésiter, je mis de côté la musique : c’était impossible. Je m’installai dans ma chambre et m’attaquai simultanément aux trois autres vocations. Grands dieux ! ce que j’écrivais ! Personne n’aurait pu échapper au dénouement fatal d’une fièvre créatrice comme la mienne ! Pareil labeur

  1. Au lieu de : it is me (c’est moi).