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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/193

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tonnerre ou un fracas de meubles qu’on brise, À ce jeu-là, je me fatiguais les bras jusqu’aux coudes — et les bouts de mes doigts étaient couverts d’ampoules, qui crevaient pour se reformer ensuite. Si cette machine avait été à moi, je l’aurais certainement fait fonctionner avec un marteau de charpentier.

Le comble est que je dactylographiais mes manuscrits en essayant de maîtriser ce sale clou. Pour taper mille mots, j’accomplissais un record d’endurance physique et mentale. Et j’écrivais des milliers de mots chaque jour pour des éditeurs qui attendaient ma copie !

Entre mes périodes de travail, mes nerfs, mon cerveau et tout mon corps étaient si épuisés que pas une fois l’idée de boire ne se présenta à mon esprit. Je planais trop haut pour recourir aux stimulants. Sauf les heures où je me débattais avec cette infernale machine, je passais tout mon temps dans un paradis d’extase créatrice. Pourquoi aurais-je désiré boire ? Ne croyais-je pas en une foule de choses : à l’amour de l’homme et de la femme, au sentiment de la paternité, à la justice humaine, à l’art — à toute cette cohorte d’illusions qui font tourner la machine ronde !

Mais les directeurs de revues, s’ils attendaient rna copie, ne se pressaient pas de la prendre. Mes manuscrits partaient pour des randonnées incroyables du Pacifique à l’Atlantique, et réciproquement. Peut-être l’étrangeté des caractères était-elle pour quelque chose dans le refus des éditeurs d’accepter tout ce que je leur offrais, C’est fort possible. Et Dieu sait si mes élucubrations égalaient la bizarrerie de leur présentation !

Je liquidai à des bouquinistes, pour des sommes