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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/202

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profession : l’affaire était classée une fois pour toutes. J’avais deux bouches à nourrir outre la mienne, et un abri à nous assurer. Il me fallait aussi des vêtements d’hiver, le seul costume que je possédais étant vraiment trop léger. Le plus pressé était de dénicher une occupation : lorsque j’aurais repris haleine, je pourrais songer à l’avenir.

Les gens sans spécialité sont les premières victimes des crises industrielles. Je ne connaissais que deux métiers, celui de matelot et celui de blanchisseur. Mes nouvelles responsabilités m’avaient enlevé l’idée de partir en mer, et je ne réussissais pas à découvrir un emploi dans les blanchisseries, ni nulle part ailleurs. Je me fis inscrire dans cinq bureaux de placement, j’insérai des annonces dans trois journaux différents, je relançai les quelques amis qui auraient pu me tirer d’embarras, mais je les trouvais indifférents ou incapables de me procurer le moindre boulot.

La situation était désespérée. Je portai au clou ma montre, ma bicyclette et un imperméable dont mon père se montrait fier, et qu’il m’avait légué. Ce fut d’ailleurs le seul héritage de ma vie. L’usurier me prêta deux dollars dessus : il en avait coûté quinze.

J’allais oublier de vous dire qu’un ancien camarade du port se présenta un jour devant moi en portant un costume de soirée enveloppé dans des journaux. Quand je le questionnai sur sa provenance, il fut incapable de me fournir une explication plausible ; je dois ajouter que je n’insistai pas. Je désirais ce costume, non pour le porter, certes. Je lui donnai en échange un tas d’objets hétéroclites que j’avais mis au rebut. Il