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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/235

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par goût pour telle ou telle boisson, mais pour l’effet même de la griserie.

Je désirais ce cocktail. Et jamais l’idée ne me vint que je ne devrais pas le prendre. Ne l’avais-je pas payé ? Je possédais les moyens de m’en offrir mille par jour si le cœur m’en disait. Et que représentait un cocktail — un simple cocktail — pour moi qui, si souvent et durant de si longues années, avais absorbé des quantités déraisonnables d’alcool beaucoup plus raides sans en éprouver le moindre mal ?

Voici quel était le programme de ma journée au ranch : chaque matin à huit heures et demie, après avoir lu ou corrigé des épreuves au lit depuis quatre ou cinq heures, je me levais et allais m’asseoir à mon bureau. Ma correspondance et des notes m’occupaient jusqu’à neuf heures précises ; là, je me mettais à écrire. À onze heures, à quelques minutes près, j’avais aligné mes mille mots. Une demi-heure pour mettre en ordre mon bureau, et mon travail était fini pour la journée. À onze heures et demie je me hissais dans un hamac, sous les arbres, avec mon sac de courrier et le journal du matin. À midi et demi je prenais mon déjeuner, et dans l’après-midi je faisais de la natation et de l’équitation.

Un matin, à onze heures et demie, avant de m’étendre dans le hamac, je pris un cocktail. Je répétai ce geste les jours suivants, ce qui ne m’empêcha pas, cela va de soi, d’en absorber un autre à midi et demi. Bientôt je me surpris, tandis que j’étais en train d’écrire mes mille mots, à regarder la pendule, tant j’étais impatient