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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/248

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D’Hawaï nous cinglâmes vers les Marquises, et notre traversée dura soixante jours, où nous n’aperçûmes pas le moindre coin de terre, ni un voilier, ni la fumée d’un vapeur. Mais dès le début, le coq, en visitant la cuisine, fit une découverte. Au fond d’un énorme coffre, il mit la main sur une douzaine de bouteilles d’angélique et de Muscat provenant de la cave de la cuisine du ranch, et qui avaient été mises à bord avec nos fruits et gelées de conserve. Six mois passés dans la chaleur de la cambuse avaient modifié, à son avantage, je crois, ce vin doux et épais.

J’en dégustai un verre et le trouvai délicieux. Ensuite, chaque jour à midi, après avoir fait le point et reconnu la position du Snark, j’en avalais un demi-gobelet. Ce vin-là aurait réveillé un mort. Il ranimait toute ma gaieté et décuplait encore à mes yeux l’admirable spectacle de la mer. Dès le matin, pendant que j’accouchais de mes mille mots quotidiens en bas, dans ma cabine, je me surprenais à désirer cet événement de midi.

L’ennui c’est qu’il me fallait partager ce nectar, et la durée du voyage était très incertaine. Aussi regrettais-je sincèrement qu’il n’y eût pas davantage de bouteilles à bord. Et quand elles furent toutes vidées, je me repentis même d’y avoir touché, car je sentais ma soif s’accroître et, avec elle, mon impatience d’arriver aux Marquises. Lorsque nous atteignîmes ces îles, j’avais une soif vraiment carabinée. Je rencontrai plusieurs blancs et beaucoup d’indigènes malingres. Le paysage était magnifique. Le rhum de commerce abondait, ainsi que l’absinthe, mais il n’y avait