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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/103

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JACK LONDON

saurait perdre comme un vrai gentleman, Thomas Mugridge déposa ses derniers dollars sur la table comme enjeu, et effectivement les perdit.

Sur quoi, il se prit la tête dans les mains et se mit à pleurer. Loup Larsen le regarda d’un œil curieux, et je pensais qu’il allait, en le faisant parler, entamer une étude psychologique et le mettre à nu. Mais il se ravisa, pensant sans doute que, de rien, l’on ne pouvait rien tirer.

Il se contenta de me dire, avec une courtoisie affectée :

— Hump, veuillez avoir l’obligeance de prendre par le bras M. Mugridge et de l’aider à remonter sur le pont. Il ne se sent pas bien.

Il ajouta, en se penchant vers mon oreille :

— … Et dites à Johnson de lui verser plusieurs seaux d’eau de mer sur la tête.

Je fis comme il m’était ordonné et, ayant conduit le coq sur le pont, je l’abandonnai, en l’absence de Johnson, à deux matelots goguenards, à qui je repassai la consigne.

Mugridge continuait à ânonner, d’une voix pâteuse, qu’il était le fils d’un gentleman. Mais, alors que je redescendais l’escalier du carré pour débarrasser la table, je l’entendis, derrière moi, qui hurlait au premier seau d’eau qu’on lui balançait.

Je trouvai Loup Larsen occupé à compter son bénéfice.

— … Ça fait au total cent quatre-vingt-cinq dollars, dit-il tout haut. C’est exactement ce que je

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