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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/114

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LE LOUP DES MERS

Mugridge riposta par un flot de grossièretés et de dénominations malsonnantes, et menaça Leach du couteau affilé à mon intention. Leach se moqua de lui de plus belle, en sortant tout l’argot de Billinsgate[1]. Avant que ni lui ni moi nous ne nous soyons rendu compte de ce qui arrivait, il avait tout le bras droit tailladé, du coude au poignet, par une estafilade.

Le coup fait, Mugridge se recula, le regard haineux, et se mit en garde, le couteau tendu. Mais, malgré le sang qui coulait à flots de son bras et éclaboussait le pont de ses giclures, Leach ne s’emporta pas.

— Tu me le paieras, salopard ! dit-il simplement. Et tu me le paieras cher… Mais je choisirai mon heure et, quand je t’empoignerai, tu n’auras pas ton couteau, fais-moi confiance !

Puis il tourna les talons et s’éloigna tranquillement. Thomas Mugridge était livide de remords, à la pensée de son acte inconsidéré, et de ses conséquences ultérieures, qui étaient inévitables.

Il ne s’était pas moins grisé à la vue du sang qu’il avait fait couler en ma présence et qui, dans son idée, devait me servir d’avertissement. Aussi redoubla-t-il envers moi de férocité. Si obscure que fût la psychologie de cet être inculte, il était patent que désormais il voyait rouge et était très capable de commettre un meurtre. Je

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  1. Marché aux poissons de Londres.