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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/116

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LE LOUP DES MERS

qu’une grave préoccupation m’obsédait. Il m’ordonna de reprendre place, temporairement, à sa table et d’abandonner la cuisine.

Encouragé, je déversai alors ma peine dans son giron et lui racontai tout ce que, depuis ma dernière faveur, j’avais enduré de Thomas Mugridge. Il braqua sur moi son regard narquois et me demanda :

— Bref, vous avez la frousse ?

— Exactement, je ne m’en cache pas.

— Vous êtes bien tous les mêmes ! Vous déclamez, à tout bout de champ, sur l’immortalité de vos âmes, et vous avez peur de mourir. À la seule vue d’un couteau bien aiguisé et d’un cuisinier poltron, votre adhérence à la vie l’emporte sur la folie de vos rêves.

« Voyons, Hump… Vous proclamez que vous êtes une émanation de Dieu. Or Dieu ne peut pas être tué et vous êtes, conséquemment, sûr de ressusciter. Que craignez-vous donc, puisque vous avez devant vous la vie éternelle ?

« Vous êtes, selon vos théories, un millionnaire en immortalité ! Un millionnaire dont la fortune ne peut se perdre, car elle est plus durable que les étoiles et n’a pas plus de limites que l’espace et le temps. L’éternité n’a ni commencement ni fin. Que vous mouriez ici et vous continuerez à vivre ailleurs.

« Ne serait-il pas très beau, au contraire, de profiter de l’occasion qui s’offre à vous, de délivrer