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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/171

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JACK LONDON

agréable le frou-frou de leurs jupes, qui m’horripilait tant !

Si jamais je les retrouve, mon point de vue sera singulièrement modifié. Je supporterai tout avec une patience angélique. J’avalerai, avec un sourire, tous les médicaments utiles ou non qu’elles me présenteront le matin, le jour ou la nuit. Elles pourront bien, à la minute qui leur plaira, envahir mon bureau, l’épousseter, ranger et balayer à leur gré. Moi, pendant qu’elles opéreront, je me renverserai dans mon fauteuil, à les regarder, et je remercierai le ciel de m’avoir donné mère et sœurs.

Où sont les mères et où sont les sœurs, où sont les épouses ou les amies des vingt et quelques hommes du Fantôme ?

C’est une chose malsaine et contre nature, que l’homme vive en dehors du contact de la femme, et la méprise ou dédaigne comme le font toutes les brutes qui m’entourent. La dureté et la sauvagerie sont les résultats de cet isolement. Il n’y a pas d’équilibre dans leur existence. La spiritualité de leur nature s’est atrophiée.

Aucun de ces hommes n’est, ni n’a jamais été marié et, comme Thomas Mugridge, la plupart d’entre eux n’ont jamais, je pense, connu leur mère. Ils sont nés sordidement, d’on ne sait qui, on ne sait où, comme éclosent au soleil les œufs déposés sur le sable par les tortues.

Ils vivront, toute leur existence, en véritables insexués, mi-hommes, mi-brutes, s’irritant et

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