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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/173

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JACK LONDON

passé second, je pourrai faire peut-être le voyage.

« Quand j’aurai palpé ma paie à Frisco, au retour, cinq cents dollars, je m’engagerai sur un voilier anglais, doublerai avec lui le cap Horn, et gagnerai Liverpool ou un autre port britannique. Ce que je toucherai s’ajoutera à mon pécule. De là, je paierai mon passage jusque chez moi et, si ma mère est encore vivante, elle ne travaillera plus.

— Elle travaille donc encore ? demandai-je. Quel âge a-t-elle ?

— Dans les soixante-dix ans.

Et il ajouta, d’un air fanfaron :

— Chez nous, tout le monde travaille, depuis sa naissance jusqu’à sa mort. C’est pourquoi on vit si vieux. Je vivrai jusqu’à cent ans.

Si cette conversation que j’eus avec Johansen, et que je n’oublierai jamais, fut la première, elle fut aussi la dernière. Car les cent ans qu’il croyait atteindre ne devaient pas dépasser la nuit qui suivit.

C’était une nuit calme et chaude. Les vents alizés nous avaient quittés et le Fantôme avançait lentement, d’un mille à l’heure, à peine.

Comme l’atmosphère de l’entrepont était étouffante, je quittai ma couchette, pris sous mon bras ma couverture et mon oreiller, et montai sur le pont pour m’y étendre.

C’était Harrison qui tenait la barre, et je remarquai que la goélette déviait nettement de sa course.

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