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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/197

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JACK LONDON

Son esprit ingénieux excellait à inventer mille tracasseries savantes, qui exaspéraient sans trêve l’équipage et le poussaient peu à peu à la folie. J’ai vu Loup Larsen obliger Harrison à se lever, en pleine nuit, pour monter sur le pont et aller ranger un pinceau à goudron, qu’il avait laissé traîner. Et tous les hommes qui n’étaient pas de quart durent se réveiller et quitter leur couchette comme lui, afin de l’accompagner et de le regarder faire.

Petit détail, si l’on veut, mais qui montre bien à quelles inventions odieuses, sans cesse renouvelées, se complaisait Loup Larsen, et quels en pouvaient être les effets sur la mentalité de l’équipage.

Il en résultait, cela va de soi, des murmures et maintes petites révoltes, qui n’allaient pas sans coups donnés et reçus. Il y avait toujours deux ou trois hommes occupés à soigner leurs blessures.

Mais une action concertée, un peu importante, était impossible, en présence du véritable arsenal qu’enfermait la cabine de Loup Larsen. Une mutinerie en règle était condamnée d’avance.

Leach et Johnson étaient naturellement les deux principales victimes des vengeances de Loup Larsen. Johnson ne réagissait point. Son visage reflétait une sombre mélancolie et, rien qu’à le regarder, je sentais saigner mon cœur.

Quant à Leach, son humeur combative n’avait

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