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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/224

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LE LOUP DES MERS

Deux heures d’un terrible travail suivirent, pour l’équipage restreint du Fantôme : deux chasseurs, trois matelots, Loup Larsen et moi. Selon la violence du vent, nous passions notre temps à donner ou à retirer de la toile. Et, grâce à cette précaution, le pont de la goélette était un peu moins inondé.

J’avais le bout des doigts à vif et je souffrais tellement que des larmes coulaient sur mes joues. À la fin, n’y pouvant plus tenir, j’éclatai en sanglots, comme une femme, et m’écroulai sur le pont, brisé par la fatigue.

Pendant ce temps, Thomas Mugridge, pareil à un rat noyé, quittait précipitamment une encoignure du poste d’avant, où il s’était lâchement embusqué. Je remarquai, d’autre part, que la cuisine qui, telle une petite cabane, dépassait du pont, avait été emportée. La mer en avait balayé jusqu’au dernier débris et avait fait place nette.

Après que toute la voilure eut été finalement amenée, nous nous réunîmes dans la cabine de Loup Larsen, où Mugridge fut également traîné. Le petit poêle qu’elle contenait fut allumé et on mit du café à chauffer. Nous bûmes du whisky et croquâmes des biscuits de mer. Jamais, dans ma vie, la nourriture n’avait été à ce point la bienvenue, et jamais le café chaud ne m’avait paru aussi bon.

Le Fantôme tanguait, roulait et se ballottait sans cesse ; il était impossible de risquer le moindre mouvement sans s’arc-bouter à quelque chose.

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