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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/233

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JACK LONDON

Nous lui courûmes sus.

Mon cœur était lourd comme du plomb. Je me sentais anéanti d’avance. Et, quand j’aperçus, dans le regard de Loup Larsen, passer l’éclair du triomphe, lorsque je songeai au traitement qu’il réservait à Johnson et à Leach, je me sentis irrésistiblement poussé à m’élancer sur lui. Déjà je crus voir son corps chavirer dans le néant…

À partir de cet instant, je fus comme fou. Tout ce dont je me souviens, c’est de m’être glissé dans le poste des chasseurs, avec un éblouissement dans les yeux, puis d’avoir commencé à en remonter l’escalier, un fusil chargé à la main, lorsque j’entendis ce cri frémissant :

— Il y a cinq hommes dans le canot !

Ce n’était donc pas celui qui emportait les fugitifs.

Je m’arrêtai pour m’appuyer à une des cloisons de l’escalier, pendant que plusieurs voix réitéraient la même remarque. Alors mes genoux se dérobèrent sous moi et la raison soudain me revint. Je faillis m’évanouir, sous le choc en retour de ce que j’avais failli faire, et je remerciai le Ciel de m’avoir empêché de commettre un tel crime.

Je remis en place le fusil et remontai discrètement sur le pont. Personne ne s’était, d’ailleurs, aperçu de mon absence.

À mesure que nous nous rapprochions de l’embarcation en question, il devenait évident qu’elle était différente, de construction, des canots pho-

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