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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/283

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JACK LONDON

Et, dans ces yeux d’or, à la fois séducteurs et dominateurs, un désir ardent transparaissait, sur lequel personne, et la jeune femme moins que quiconque, ne pouvait se méprendre.

L’épouvante qu’éprouvait Maud Brewster, à cette pensée, rejaillit sur moi par un choc en retour invincible. Et, pour la première fois, je compris la sympathie, plus qu’amicale, qui me poussait vers elle. Cet amour me remplit de terreur.

Mon sang se glaça dans mes veines, tandis que je dévorais du regard la jeune femme. Puis je me repris instinctivement à observer Loup Larsen. Il était, en une seconde, redevenu maître de lui. La lueur dorée avait disparu de ses prunelles, redevenues froides et grises.

Il salua brusquement et s’éloigna.

— J’ai peur… me dit Maud Brewster, en prenant ma main. J’ai très peur !

Mon effroi n’était pas moindre que le sien. Je réussis cependant, malgré le tumulte de mes pensées, à lui répondre avec calme :

— Il ne faut pas prendre les choses au tragique, Miss Brewster. Nous nous en tirerons, j’en suis persuadé.

Elle me sourit, reconnaissante de mes bonnes paroles, et, un peu rassurée, regagna sa cabine.

Une fois seul, je restai un long moment à réfléchir. Après ce changement complet qui venait de s’opérer en moi, je devais admettre l’évidence : enfin, j’étais amoureux, mais je n’aurais jamais

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