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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/293

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JACK LONDON

effectif, le compte de Larsen-la-Mort aurait été réglé pour une douzaine d’éternités.

— Qu’il crève, ce salaud ! me déclara le gros Louis, dont les yeux pacifiques s’allumaient de colère.

— Vous les entendez ! me dit Loup Larsen d’un air sinistre. Voudriez-vous me dire, monsieur Van Weyden, où est le bien, la grandeur, l’idéal et la justice ?

— Je reconnais que ce bateau a mal agi. La justice a été violée…, commenta Maud Brewster.

Elle se tenait près du grand mât, une main posée sur les haubans. Son corps se balançait doucement au léger roulis du navire.

Elle se trouvait à trois ou quatre mètres de nous mais sa voix nous parvenait, claire et distincte, avec son timbre argentin. Quelle délicieuse musique résonnait à mon oreille !

Un béret de marin coiffait ses abondants cheveux châtains, légèrement ébouriffés. Ils accrochaient le soleil et mettaient une auréole sur le délicat ovale du visage.

Elle était, positivement, ensorcelante ainsi et je m’extasiais devant cette charmante incarnation de la vie, qui donnait un tel démenti aux brutales théories de Loup Larsen, qui répondit :

— Ce n’est pas le souci de la justice qui tourmente mes hommes. La justice est un mot… Ce qui les irrite, c’est de songer au profit perdu. Ce n’est pas leur âme, c’est leur bourse qui souffre.

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