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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/313

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JACK LONDON

de la pluie. À chaque fil de laine de nos vêtements, à chaque cheveu de notre tête, s’attachait une perle de cristal.

Les haubans, la voilure et la mâture étaient également imprégnés d’eau, et les gouttes y formaient de longs chapelets qui, à chaque mouvement de la goélette, tombaient sur nous en petites ondées.

Ce voile humide, qui nous enveloppait tous, nous oppressait et je croyais étouffer. Il assourdissait le clapotis des vagues et le bruit que faisait, en y avançant lentement, la goélette. Et mes pensées étaient tout aussi troubles.

Il semblait que l’univers eût pour limites cette brume qui nous écrasait et bornait notre vision. Instinctivement on se sentait incité à écarter les deux bras, pour se dégager de son étreinte. On aurait voulu repousser ce mur de grisaille, qui nous encerclait, afin de retrouver, au-delà, le monde normal, qui n’était plus que le souvenir d’un rêve évanoui. C’était quelque chose de lugubre, et de très étrange.

Je regardai Maud, dont les sensations étaient semblables aux miennes. Puis je reportai mes yeux sur Loup Larsen.

Mais tout ce qui n’était pas la réalité objective et immédiate n’avait sur lui aucune prise. Il tenait toujours la roue et, je le compris, chronométrait mentalement le temps écoulé, d’après chaque coup de tangage et de roulis.

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